La mer déposa doucement un petit curragh sur le sable
Le jour se levait, les brumes de la nuit se diluaient peu à peu dans une luminosité froide et bleutée. On put distinguer une petite forme sombre descendre de l’embarcation et sauter prestement sur la plage en évitant de se mouiller les sabots. C’était une toute petite vieille dame, très digne, qui remit sa coiffe en place et rangea une de ses minuscules tresses tortillées sous le voile de dentelle. Puis elle s’arquebouta et tira sur le bout d’amarrage afin de tirer le curragh jusque sur le sable sec. Dès qu’il n’eut plus de risque de se mouiller les pattes, un chat noir sauta lui aussi à terre et rejoignit la petite dame contre la jupe de laquelle il se frotta en tous sens. Elle se baissa et le carressa gentiment puis le repoussa d’une main ferme. Elle prit un vieux cabas bloqué sous le banc de nage et se mit aussitôt à trottiner vers le soleil.
Elle traversa toute la plage d’un pas décidé mais s’arrêta soudain comme stoppée par une inquiétude soudaine. Elle posa son sac de cuir sur un rocher plat, sans doute pour qu’il ne s’abîme pas au contact du sable, puis plongea un bras et la tête dedans. Elle devait chercher quelque chose car on entendit un sacré ramdam qui sortit du cabas. Elle finit par y entrer toute entière. Les bruits se firent plus furieux encore. Que cachait donc ce sac ? Victorieuse, la petite dame sortit d’un bond du cabas avec une très vieille paire de lunettes rondes sur le nez.
« Que bénit soit cet Adso qui me fit cadeau d’un tel objet. Grâce à lui, j’y voit un peu mieux à présent ! »
Tiens, mais qu’elle est cette forme au bout de la plage ? On dirait ce vieil Ankou qui me regarde en souriant moqueusement. Bah, Qu’importe ! Je n’aime pas cet enquiquineur qui se rappelle toujours à notre bon souvenir au pire moment. Ignorons-le et faisons bonne route vers le levant.
La petite vieille repartit d’un bon pied, le cabas sous le coude, suivie de son chat sur les talons de ses sabots.